lundi 7 février 2011

"Allô police" - La série télévisée - 5 -

Télé-police - par Pierre Darcis     

      Pierre Darcis écrivit cette critique de la série "Allô police" à la suite de la seconde saison, diffusée au printemps 1969. Il annonce avoir préféré la série lorsqu'elle était diffusée sur la deuxième chaîne sans être découpée en épisodes quotidiens... Visiblement, il avait pris la série "en route", ignorant que les seize premières histoires avaient pourtant été diffusées en 1967 en feuilleton de cinq épisodes... 

      Nul ne s’est plaint, à ma connaissance, d’une trop grande abondance de feuilletons policiers à la télévision. Cela tient sans doute à ce que le genre policier est solidement installé dans les mœurs de l’homme du XXe siècle, mais cela tient aussi à la sélection des histoires qui nous ont été présentées. J’ai trop souvent critiqué le service des programmes de l’O.R.T.F. pour ne pas me faire aujourd’hui l’écho de la satisfaction des téléspectateurs quant au choix de feuilletons aussi différents que Allô Police, Le Fugitif et Mannix.

      Pour le premier, le seul des trois qui soit français, je regrette qu’il nous soit présenté par fractions quotidiennes d’un quart d’heure. Lorsqu’Allô Police était programmé sur le deuxième chaîne, les épisodes n’en étaient pas découpés en tranches. Mais mon propos n’est pas ici de faire le procès d’un procédé. Nombreux sont ceux qui voient dans le découpage du feuilleton quotidien une sorte de strip-tease, bien fait pour exciter l’intérêt du téléspectateur, et peut-être, après tout, ont-ils raison. C’est sur la qualité de l’œuvre que nous nous pencherons.
      Allô Police se veut être une chronique de la vie d’un commissariat de quartier. Les affaires retentissantes y sont rares et l’on y démêle plus souvent des faits divers quotidiens. On nous assure que les as de la P.J. se sont intéressés de très près à ce feuilleton avant de lui accorder leur bénédiction. Sur ce point précis, je demeure un tantinet sceptique, car si les histoires qui nous sont comptées restent vraisemblables, les rapports humains des six protagonistes me paraissent truqués. Tout simplement parce que les collaborateurs du commissaire Lambert (Guy Tréjan) vouent à leur chef une admiration sans borne, une amitié sans défaillance, et sont prêts, dans les meilleures traditions du théâtre cornélien, à se sacrifier pour lui. Je crains qu’on ne puisse trouver dans la vie de tous les jours précisément, dans le train-train quotidien, l’occasion de faire preuve de cette abnégation, et il me semble que les qualités de Mareuil, d’Abadie, de Leblanc, de Melle Moreau sont à tout le moins idéalisées.
      Mais si l’on veut bien passer sur ce fait, qui me paraît être une anomalie, alors il nous faut reconnaître que les histoires, même si elles ne sont pas toujours originales, sont bien choisies. Le mérite en revient aux scénaristes, au premier rang desquels je citerai Raymond Cavailla, à qui revient l’idée de cette série, et qui a su s’allier les talents de Maurice Guillot, Jean-Charles Trachella (sic!), Bertrand Viard, André Barnier, pour ne citer qu’eux. En ce qui concerne ce dernier, notons qu’il cumule les fonctions de scénariste et d’acteur, car il est à la fois l’auteur de l’épisode Au Diable La Malice, qui se déroule dans le milieu du théâtre – un milieu qu’il connaît bien : il est l’un des fondateurs du Grenier de Toulouse – et, sous son nom d’acteur André Thorent, le remplaçant du commissaire Lambert pendant la durée de ses vacances. Sans réduire sa valeur en tant que scénariste, je lui préfère Guy Tréjan dans le rôle du commissaire. Il est vrai que ce dernier a sur lui l’avantage d’être mieux connu des téléspectateurs, mais le mérite de Tréjan ne se borne pas à cela. Cet acteur est à ce point humain qu’il arriverait à nous faire admettre l’admiration que ses collaborateurs lui vouent, mais c’est un cas d’exception. Avec André Thorent, nous retombons dans la norme, et c’est peut-être pour cette raison que les derniers épisodes d’Allô Police m’ont paru moins acceptables du strict point de vue psychologique.
      Il est un autre travers qu’il me faut signaler dans cette série : les collaborateurs du commissaire sont trop typés ; à chacun d’eux épinglée une étiquette : Leblanc, le chien fou de la bande, Mareuil, le séducteur, Melle Moreau, la secrétaire bébête, et surtout Abadie (Fernand Berset) le pantouflard comique. Le rôle de ce dernier pour plaisant qu’il s’attache à être, manque totalement de réalisme. Si nous voulions attacher du crédit aux histoires qui nous sont contées, nous en serions par lui empêchés, car s’il faut un certain humour pour faire passer à l’écran la vie maussade d’un commissariat, la farce n’est pas acceptable quand on prétend faire, comme c’est le cas, du cinéma documentaire.
      Les réalisateurs – Michel Struggar, Pierre Goutas et Ado Kyrou – ont le mérite d’avoir su accorder leurs violons. D’une histoire à l’autre, le spectateur n’est pas dépaysé par le traitement qu’ils font subir aux différents épisodes. Ceux-ci sont bien filmés, sans prétention, mais avec beaucoup de métier.

      En résumé, malgré les quelques défauts signalés, Allô Police compte parmi les bonnes séries policières réalisées en France.


In Mystère Magazine n°255 – mai 1969

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